Séance 6 > > Eclairage Théo
Donne-nous notre pain de ce jour…
De la gloire de Dieu aux besoins des hommes
À y regarder de plus près, on ne peut être qu’étonné du changement de ton qui intervient entre les trois premières demandes du Notre Père et les trois suivantes : on passe d’une prière respectueuse qui met une distance avec Dieu (Que ton nom..., que ton règne..., que ta volonté...) à une formulation audacieuse, presque impérative (Donne nous..., pardonne-nous..., ne nous laisse pas entrer… délivre-nous...). Comment penser théologiquement l’articulation de deux parties aussi différentes ?
Jusqu’à présent, la prière de Jésus était centrée sur les affaires de son Père (son nom, son règne, sa volonté). Mais elle avait a hardiesse d’introduire le croyant, tel un collaborateur, au cœur de la situation de Dieu lui-même, en l’autorisant à prendre fait et cause pour Lui. C’est à partir de cette position inattendue, que le priant peut alors s’adresser à son Père en lui remettant sa vie et ses besoins concrets. Karl Barth fait également remarquer que les trois premières demandes, même si elles ne sont pas encore accomplies pleinement sur terre, ont déjà été réalisées dans le Fils : « Jésus-Christ a vaincu et il nous invite à prendre part à cette victoire. » (1) C’est donc en tant que frère ou sœur de Jésus-Christ que celui ou celle qui prie peut puiser le courage de s’adresser à son Père céleste.
Quel pain demander ?
Même si elle paraît évidente, la quatrième demande du Notre Père comporte néanmoins une difficulté : l’expression « de ce jour », du grec epiousios, peut signifier « qui survient » ou « qui est essentiel ». Quant au pain, il désigne, au-delà de l’aliment essentiel à la survie de l’être humain, tout ce qui lui est indispensable. Luther en a dressé la liste : « Tout ce qui est nécessaire à l’entretien du corps et de la vie, la nourriture et les vêtements, la demeure, les champs, le bétail, l’argent et tous les biens, un bon époux, de bons enfants, des employés fidèles, des supérieurs justes, un bon gouvernement, des saisons favorables, la paix, la santé, l’ordre, l’honneur, des bons amis, des voisins bienveillants.. .» (2)
Pour le Réformateur, c’est tout le cadre de la vie personnelle, sociale et politique qui est inclus dans cette demande ! De plus, si l’on retient la seconde traduction proposée ci-dessus, le « pain essentiel » peut également signifier une nourriture spirituelle ou même la Cène.
Une dimension toujours communautaire
Notons enfin que la demande est faite à la première personne du pluriel et non du singulier. C’est la communauté des croyants qui prie pour son pain, pour ce qui est nécessaire à sa vie. Autrement dit, elle formule la requête à Dieu pour vivre dans une organisation soumise à sa juste volonté.
Ce faisant, la communauté accepte aussi de recevoir, telle la manne, ce que son Père jugera utile de lui donner chaque jour, à la mesure de ses besoins.
(1) Karl Barth, La prière (2) Martin Luther, Petit Catéchisme
À y regarder de plus près, on ne peut être qu’étonné du changement de ton qui intervient entre les trois premières demandes du Notre Père et les trois suivantes : on passe d’une prière respectueuse qui met une distance avec Dieu (Que ton nom..., que ton règne..., que ta volonté...) à une formulation audacieuse, presque impérative (Donne nous..., pardonne-nous..., ne nous laisse pas entrer… délivre-nous...). Comment penser théologiquement l’articulation de deux parties aussi différentes ?
Jusqu’à présent, la prière de Jésus était centrée sur les affaires de son Père (son nom, son règne, sa volonté). Mais elle avait a hardiesse d’introduire le croyant, tel un collaborateur, au cœur de la situation de Dieu lui-même, en l’autorisant à prendre fait et cause pour Lui. C’est à partir de cette position inattendue, que le priant peut alors s’adresser à son Père en lui remettant sa vie et ses besoins concrets. Karl Barth fait également remarquer que les trois premières demandes, même si elles ne sont pas encore accomplies pleinement sur terre, ont déjà été réalisées dans le Fils : « Jésus-Christ a vaincu et il nous invite à prendre part à cette victoire. » (1) C’est donc en tant que frère ou sœur de Jésus-Christ que celui ou celle qui prie peut puiser le courage de s’adresser à son Père céleste.
Quel pain demander ?
Même si elle paraît évidente, la quatrième demande du Notre Père comporte néanmoins une difficulté : l’expression « de ce jour », du grec epiousios, peut signifier « qui survient » ou « qui est essentiel ». Quant au pain, il désigne, au-delà de l’aliment essentiel à la survie de l’être humain, tout ce qui lui est indispensable. Luther en a dressé la liste : « Tout ce qui est nécessaire à l’entretien du corps et de la vie, la nourriture et les vêtements, la demeure, les champs, le bétail, l’argent et tous les biens, un bon époux, de bons enfants, des employés fidèles, des supérieurs justes, un bon gouvernement, des saisons favorables, la paix, la santé, l’ordre, l’honneur, des bons amis, des voisins bienveillants.. .» (2)
Pour le Réformateur, c’est tout le cadre de la vie personnelle, sociale et politique qui est inclus dans cette demande ! De plus, si l’on retient la seconde traduction proposée ci-dessus, le « pain essentiel » peut également signifier une nourriture spirituelle ou même la Cène.
Une dimension toujours communautaire
Notons enfin que la demande est faite à la première personne du pluriel et non du singulier. C’est la communauté des croyants qui prie pour son pain, pour ce qui est nécessaire à sa vie. Autrement dit, elle formule la requête à Dieu pour vivre dans une organisation soumise à sa juste volonté.
Ce faisant, la communauté accepte aussi de recevoir, telle la manne, ce que son Père jugera utile de lui donner chaque jour, à la mesure de ses besoins.
(1) Karl Barth, La prière (2) Martin Luther, Petit Catéchisme