Séance 8 > > Eclairage Théo
Ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal
Cette dernière demande du Notre Père a provoqué de nombreux débats, car sa traduction est difficile.
Tentation ou épreuve ?
Le terme grec utilisé dans le Notre Père « peirasmos » recouvre les deux significations tentation et épreuve. En français, la « tentation » se présente sous la forme d’un choix auquel on peut ou non succomber, alors qu’il semble impossible d’échapper aux « épreuves » de la vie : tout au plus peut-on demander à Dieu sa force pour nous aider à les franchir.
La Bible hébraïque connaît déjà des situations de mise à l’épreuve, où la foi, la confiance en Dieu sont éprouvées, comme pour Abraham (1) ou pour Israël dans le désert : « Il vous a fait connaître des difficultés pour voir ce que vous valiez. Il voulait savoir ainsi ce que vous aviez dans le cœur et si vous vouliez respecter ses commandements, oui ou non. » (2) Le Nouveau Testament parle également de tentations-épreuves comme +celles de Jésus au désert (3). Ce qui est éprouvé dans ces différents exemples, c’est le lien à Dieu, la relation de confiance avec lui et la place qui lui est reconnue comme Dieu.
Conduire, soumettre, laisser entrer : quel Dieu prions-nous ?
De même que pour la tentation-épreuve, se pose la question de la traduction. La version oecuménique habituelle proposait : « ne nous soumets pas à la tentation », induisant l’image problématique d’un Père qui se plairait à tenter ses enfants...
En 2013, l’Église catholique romaine a validé une nouvelle traduction liturgique que l’Église Protestante Unie de France a adoptée en 2016 : « Ne nous laisse pas entrer en tentation. » On comprend l’intention qui a motivé ce choix. Mais une traduction littérale serait : « ne nous fais pas entrer » ou « ne nous induis pas », « ne nous conduis pas » vers la tentation. En revanche, « laisser entrer », forme permissive du verbe « entrer », n’existe pas dans les textes.
Quoi qu’il en soit, l’idée d’un Dieu tentateur doit être absolument rejetée : « Que nul, quand il est tenté, ne dise : “Ma tentation vient de Dieu.” Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne. (4)
La tentation : un mal qui nous détourne de Dieu
Alors comment comprendre cette demande ? Observons que l’objet de la requête n’est pas au pluriel, « des tentations ». L’usage du singulier indique qu’il s’agit d’une tentation fondamentale qui assaille tout être humain : celle de se mettre à la place de Dieu (5) ou celle de douter de sa bienveillance. Face au Malin, cette demande affirmerait, dans la tentation ou dans l’épreuve, notre aspiration à ce que Dieu soit toujours notre Dieu. C’est ce qu’exprime Karl Barth (6) : « Épargne-nous, non pas la lutte […], non pas la souffrance […], mais épargne-nous la rencontre avec cet ennemi qui est plus fort que toutes nos forces, plus rusé que notre intelligence (y compris l’intelligence que nous mettons dans notre théologie). […] [Ô Dieu,] Mets nous à l’abri d’une possibilité de mal dont nous ne saurions nous préserver et qui nous abrutirait foncièrement et définitivement. » Comme précédemment, cette requête est formulée avec les mots mêmes de Jésus qui a déjoué la tentation au désert et en qui le Père a vaincu le mal et la mort. Prier cette demande, c’est exprimer avec humilité à Dieu notre besoin d’aide, c’est aussi affirmer notre certitude que la victoire du Christ nous est déjà acquise et que c’est entre ses mains que nous remettons notre vie, avec confiance.
(1) Genèse 22 (2) Deutéronome 8.2 (3) Matthieu. 4.1-11, Marc 1.12ss, Luc 4.1-13 (4) Jacques 1.13 (5) Genèse 3.5 (6) Karl Barth, La prière.
Tentation ou épreuve ?
Le terme grec utilisé dans le Notre Père « peirasmos » recouvre les deux significations tentation et épreuve. En français, la « tentation » se présente sous la forme d’un choix auquel on peut ou non succomber, alors qu’il semble impossible d’échapper aux « épreuves » de la vie : tout au plus peut-on demander à Dieu sa force pour nous aider à les franchir.
La Bible hébraïque connaît déjà des situations de mise à l’épreuve, où la foi, la confiance en Dieu sont éprouvées, comme pour Abraham (1) ou pour Israël dans le désert : « Il vous a fait connaître des difficultés pour voir ce que vous valiez. Il voulait savoir ainsi ce que vous aviez dans le cœur et si vous vouliez respecter ses commandements, oui ou non. » (2) Le Nouveau Testament parle également de tentations-épreuves comme +celles de Jésus au désert (3). Ce qui est éprouvé dans ces différents exemples, c’est le lien à Dieu, la relation de confiance avec lui et la place qui lui est reconnue comme Dieu.
Conduire, soumettre, laisser entrer : quel Dieu prions-nous ?
De même que pour la tentation-épreuve, se pose la question de la traduction. La version oecuménique habituelle proposait : « ne nous soumets pas à la tentation », induisant l’image problématique d’un Père qui se plairait à tenter ses enfants...
En 2013, l’Église catholique romaine a validé une nouvelle traduction liturgique que l’Église Protestante Unie de France a adoptée en 2016 : « Ne nous laisse pas entrer en tentation. » On comprend l’intention qui a motivé ce choix. Mais une traduction littérale serait : « ne nous fais pas entrer » ou « ne nous induis pas », « ne nous conduis pas » vers la tentation. En revanche, « laisser entrer », forme permissive du verbe « entrer », n’existe pas dans les textes.
Quoi qu’il en soit, l’idée d’un Dieu tentateur doit être absolument rejetée : « Que nul, quand il est tenté, ne dise : “Ma tentation vient de Dieu.” Car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne. (4)
La tentation : un mal qui nous détourne de Dieu
Alors comment comprendre cette demande ? Observons que l’objet de la requête n’est pas au pluriel, « des tentations ». L’usage du singulier indique qu’il s’agit d’une tentation fondamentale qui assaille tout être humain : celle de se mettre à la place de Dieu (5) ou celle de douter de sa bienveillance. Face au Malin, cette demande affirmerait, dans la tentation ou dans l’épreuve, notre aspiration à ce que Dieu soit toujours notre Dieu. C’est ce qu’exprime Karl Barth (6) : « Épargne-nous, non pas la lutte […], non pas la souffrance […], mais épargne-nous la rencontre avec cet ennemi qui est plus fort que toutes nos forces, plus rusé que notre intelligence (y compris l’intelligence que nous mettons dans notre théologie). […] [Ô Dieu,] Mets nous à l’abri d’une possibilité de mal dont nous ne saurions nous préserver et qui nous abrutirait foncièrement et définitivement. » Comme précédemment, cette requête est formulée avec les mots mêmes de Jésus qui a déjoué la tentation au désert et en qui le Père a vaincu le mal et la mort. Prier cette demande, c’est exprimer avec humilité à Dieu notre besoin d’aide, c’est aussi affirmer notre certitude que la victoire du Christ nous est déjà acquise et que c’est entre ses mains que nous remettons notre vie, avec confiance.
(1) Genèse 22 (2) Deutéronome 8.2 (3) Matthieu. 4.1-11, Marc 1.12ss, Luc 4.1-13 (4) Jacques 1.13 (5) Genèse 3.5 (6) Karl Barth, La prière.